mercredi 1 février 2012

Il était une fois ...


  Le secret du prof de SVT


  C'est l'hiver. Il marche chercher sa classe dans la cour. Ils sont là, à l'attendre. Tous emmitouflés sous les bonnets, les écharpes, les grosses doudounes, après-ski aux pieds et gants aux mains. Ils regardent le professeur, appelons-le M.Truc, avancer vers eux. Ils le regardent, ébahis. Il fait 0°C, peut-être moins, il est en t-shirt. Toujours en t-shirt. Hiver ou été. Des murmures. La classe se met à avancer .....

  Il est jeune, M.Truc, il est jeune ... 7 ans peut-être. C'est un gamin. Il joue avec son frère. Il prennent des insectes dans la pelouse, des scarabées, araignées .... Ils les brûlent, l'un avec des allumettes, l'autre avec une bougie. Il rigolent en voyant les petits corps se consumer.
  "Plus tard, moi je les disséquerai, ces insectes tous plus idiots les uns que les autres !"
  Rires. Rires d'enfants joyeux, mais plus très innocents ... Tueurs !
  Les rires continuent. L'un ne fait plus attention. La bougie, sur le paquet d'allumettes. Bruits de ces petits bouts de bois garnis de souffre qui s'enflamment. Cris de terreurs; L'herbe brûle. Un jardin presque complètement fermé, une prison lorsque les flammes barrent la seule issue. La palissade, elle aussi, flambe. Les flammes font des lumières orangées, qui illuminent la rue.
  "Un feu d'artifice ? Un feu de joie ? On ne m'avait pas dit !"
  Exclamations des voisins.
  Cris de douleur.
  "Au feu !"
  Hurlements.
  "Au secours !"
  On court chercher la bombe anti-incendie de l'immeuble d'à côté, on appelle les pompiers.
  "Saute par-dessus, je te fais la courte échelle !"
  On jette des seaux d'eau, de la terre pour étouffer le feu.
  "Les gamins sont à l'intérieur ! Il faut les chercher !"
  Peur, de souffrir, de mourir.

  Il fait blanc et noir. Tout nuageux, tout gris dans le ciel. Non. Il n'y a pas de ciel. Pas de sol non plus. On flotte. C'est tout coton, tout ... musical. Ils arrivent. Deux, à se présenter. St Pierre en a marre, en ce moment il n'y a que des brûlés. En même temps c'est l'été, et avec la canicule on ne peut pas s'attendre à grand-chose de plus, mais il aurait aimé, des jolies filles noyées, encore en maillot de bain. C'est qu'au ciel, on voulait bien prêter des vêtements, mais ça avait une limite. Qu'ils sont radins !
  Donc, deux brûlés.
  "Noms, prénoms, âges ?"
  "Je ... veux ...ma ... maman .... "
  "Oui mon petit, elle arrive ..... Eh ! Ste Claire !", braille St Pierre en direction d'une grande porte forgée, avec des bas-reliefs en marbre. Ils ne se privent de rien, au Paradis ! "Ste Claire ! J'te cause, là ! J'ai deux bambins qui veulent leur mère ! Grouille-toi !"
  "Euh .. tu parles des deux brûlés vifs ? Parce que  il y a Dieu qui les convoque, il est de mauvaise humeur mais prêt à négocier."
  "Ils arrivent."
  Il sont maintenant, par je-ne-sais quel tour de magie, devant un monsieur un peu âgé, qu'on pourrait prendre pour un père noël. Il est vêtu d'une tunique qu'il ne cesse de repasser avec ses mains. Il regarde les deux enfants.
  "Bon, mes petits, vous avez fait une grosse bêtise. Brûler des êtres vivants sans raison, même des insectes, ça ne se fait pas. Mais vous êtes jeunes, et je ne pense pas que vous devez mourir. Alors, je propose que l'un de vous reste avec moi, et que l'autre retourne sur Terre."
  L'un des deux ouvre la bouche. Il a 12 ans, il a peur, mais il doit prendre sa décision.
  "Je reste." Une phrase sans réplique possible. "Frangin, tu diras à maman que.... que ...... que ... que gros bisous."
  Un smack sur chaque joue. Un rien. Un tout.

  Réveil à l'hôpital. Blanc. Pleurs. De femme.
  "Gros bisous !"
  Plus rien.

  Un souvenir. Du chaud, du blanc, du orange, quelqu'un de disparu. Pitié, plus de chaud ! Il n'en veut plus. C'est trop dur. Trop de souvenirs, heureux ou triste, tous avec quelqu'un qu'il n'a pas vu depuis longtemps. Il n'en veut pas. Il veut oublier l'horreur et la tristesse, le noir des habits, le gris de la tombe. Le froid le rassure désormais. L'hiver lui fait du bien. il aurait aimé emménager au Groenland ! Mais son passé le retient. Une douleur toujours présente, lorsqu'il explique à ses élèves que pour enlever telle partie du corps de tel animal, on doit utiliser tel instrument. "Brûlez-les, disséquer ne sert à rien", veut-il leur dire. Mais il se tait, pour préserver un certain fantôme au fond de sa mémoire.

  C'est ceci, le secret du prof de SVT, celui qui restera toujours présent dans sa tête, et qui influencera l'imagination de ses élèves ...




  

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